[wp-trac] [WordPress Trac] #50089: Papinou
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Tue May 5 01:39:24 UTC 2020
#50089: Papinou
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**1. L'enfance de Ahmed îbn Tayeb
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Ahmed (surnommé Bayed) naquit le lundi 5 février de l'année 1951 au Maroc,
à Oujda. Le Maroc est à ce moment-là sous protectorat français et
espagnol. Son père s'appelait Tayeb îbn Al-Hassan et était imam dans une
mosquée du Village (Koulouche) et sa mère se prénommait Halima Bintou
Bouazza. Ahmed vient s'ajouter à une famille composée de sept enfants,
Rabah (l'aîné), Mouma, 'Aicha, Rabi'a, Habiba, Mohamed et Hanifa.
Hanifa n'était pas la plus petite de la fratrie, après elle était né un
garçon prénommé "Ahmed", qui est retourné très tôt (on dit aux alentours
de un an) auprès de Son Créateur. Il aurait trouvé la mort au sein même du
foyer familial, en tombant dans un espèce de "trou" (puits) se situant au
centre de la maison qui servait jadis au stockage des provisions.
Alors qu'il a tout juste six ans, Ahmed doit faire face à un événement
tragique qui bouleverse l'équilibre familial, la perte de sa maman. Elle
est retournée à Dieu, un jour de l'année 1957, qu'Allah lui fasse
Miséricorde et l'accueille dans Son vaste Paradis, alors qu'elle venait de
fêter ses 39 ans. Elle est morte jeune, laissant derrière elle des
orphelins, tous tristes et anéantis. L'aîné, Rabah, déjà marié et vivant à
Fès, a mal vécu le départ précipité de sa maman. Il a « boycotté » la
maison familiale, et ne venait plus visiter son père et ses frères et
soeurs à Oujda. Cela a duré plusieurs mois. Il a coupé un peu les ponts
avec sa famille, c'est ce que m'a raconté ma chère tante Rabi'a.
Il s'est écarté des siens, était-ce sa façon à lui de faire son deuil, de
s'éloigner pour moins souffrir, pour ne pas se rappeler que sa reine ne
faisait plus partie de ce monde ? Peut-être. On raconte aussi que ma tante
Mouma, qu'Allah lui fasse Miséricorde, quant à elle, a dû affronter une
deuxième épreuve tout aussi douloureuse, le décès tragique de son enfant
(en bas-âge). On raconte qu'elle était tellement chagrinée de l'état de sa
mère, qu'elle a dû transmettre toute son angoisse à son enfant en
l'allaitant... et qu'il en est mort.
Bayed, lui, trop jeune pour comprendre, trop jeune pour pleurer, trop naïf
encore pour savoir qu'en perdant sa mère, il perdait un ange, un ange qui
veillait continuellement sur lui. C'est triste mais on accepte ce que Dieu
nous prédestine. Vivre sans sa maman à ses cotés, pour nous protéger, nous
conseiller, nous épauler, c'est extrêmement compliqué, c'est comme
emprunter un chemin sur la terre dans l'obscurité la plus totale sans
aucun éclairage, sans aucune luminosité... Qui se préoccupe autant de
l'état d'un enfant, de sa santé, de son éducation, si ce n'est sa maman ?
Qui peut l'aimer d'un amour plus fort? Qui peut le protéger ? Être
bienveillant à son égard? L'écouter ? Le soutenir ? L'épauler ? Personne,
si ce n'est notre Dieu, le Bien-Aimant. On est d'accord... un mal pour un
bien, espérons-le. . Elle n'est plus là, celle qui s'inquiète et qui se
soucie...
Bayed se renforce, se prend en main et se débrouille. il est projeté
malgré lui et plus tôt que prévu hors de la bulle de l'insouciance, Bayed
n'a pas assez profité de son enfance... Bayed grandit. Il n'a plus le
choix. Bayed est inscrit à l'école. Le Maroc vient tout juste de proclamer
son Indépendance (en 1956). L'enseignement de la langue française persiste
dans les écoles, et c'est ainsi que chaque matinée est consacrée à son
apprentissage. Bayed apprend très tôt à manipuler la langue de Molière, à
rédiger des rédactions et à prendre goût à l'instruction. Issu d'une
famille, à l'origine pas très aisée, Bayed se débrouille comme il peut
pour subvenir à ses désirs les plus capricieux. Il ruse et stratège pour
gagner quelques centimes, qu'il dépensera bien vite au cinéma (oui!!!) ou
à d'autres activités beaucoup plus (ou moins) glorieuses...
Bayed passe du temps aussi avec son papa, il apprend auprès de ce dernier
à coudre et à manier l'aiguille. Bayed est polyvalent. De temps à autre,
il revend des céréales que lui refourgue sa grande soeur 'Aicha, pour se
faire un peu d'argent. Chacun le prend sous son aile et le chouchoute.
Bayed c'est le plus petit, c'est le mazozi, sa maman n'est plus là, son
papa s'est remarié et financièrement c'est pas trop ça mais il prend déjà
les manies des grands. Physiquement, Bayed, il n'est pas plus haut que
trois pommes, mais qu'est-ce qu'il est futé et débrouillard...
''L'histoire du boulanger
''****
Cela me rappelle l'histoire du boulanger. Bayed et son ami Mimoune
(Marder) avaient pour habitude d'aller ensembles au cinéma. Ils aimaient
ça. Ils s'invitaient à tour de rôle. Une fois c'était Bayed qui invitait
son ami, et la fois d'après c'était Mimoune qui offrait la place à son
copain. C'est ainsi qu'ils fonctionnaient en général. Un jour, Bayed
devait trouver de l'argent pour inviter son copain. Mais pour l'inviter,
il faut des sous et comment se les procurer si on en a pas ? Après avoir
bien réfléchi, Bayed trouve une petite ruse. Pourquoi ne pas aller les
demander au Boulanger, monsieur Ahmed Snoussi ? Voilà une bonne idée. Dès
le matin, Bayed accourt chez le boulanger, trop petit pour l'apercevoir,
il s'appuie sur le comptoir avec ses deux mains ce qui soulève son petit
corps, son ventre est compressé contre la table du comptoir, il cherche du
regard le boulanger, mais malheur à lui il aperçoit son père assis sur une
chaise discutant avec le boulanger. Hélas, Bayed se faufile, ni vu ni
connu et rebrousse son chemin. Il décide de revenir l'après-midi quand son
papa Tayeb ne sera pas là. L'après-midi, Bayed revient voir le boulanger.
Bayed : 'ammi, mon père te demande de lui prêter la somme de 60 doro, si
tu veux bien ?
Le boulanger : et qui est ton père mon petit ?
Bayed : mon père, c'est l'imam du Village, ton ami, Tayeb, il est venu te
voir ce matin, il était assis avec toi dans ton magasin, tu ne t'en
souviens pas ?
Le boulanger : oui.. et pourquoi ?
Bayed : il doit payer la bergère El-Manssouria. 60 doro
Le boulanger, s'exécuta, lui tendit les sous dans une espèce d'enveloppe
tout en lui disant: tiens mon petit, ne les perds surtout pas.
Bayed : - merci 'ammi.
Ahmed avait moins de douze ans, son crâne rasé à ras, trop petit pour
qu'on l'aperçoive derrière le comptoir, assez intelligent pour
confectionner un mensonge de toutes pièces. El-Manssouria était une
bergère au Village. Elle avait pour habitude de garder les chèvres et les
moutons de Tayeb en contrepartie d'une certaine somme d'argent. C'était
courant à cet époque, tout le monde le faisait. Ce mensonge était donc
bien réfléchi, puisqu'il n'éveilla pas les soupçons du boulanger.
Ahmed, fier de lui est allé au cinéma et paya comme convenu son entrée
ainsi que celle de son copain Mimoune Marhder. Sur le chemin du retour,
son ami Mimoune (Marhder) le chambra, sur la raclée qu'il se prendra –
assurément – dès que son père sera mis au courant de sa petite
escroquerie. Bayed espérait quand même que son père ne se soit pas aperçu
de la ruse. Leurs chemins se sont quittés, Ahmed rentra chez lui, et
rencontra sur le pas de la porte son père, qui buvait un verre de thé.
Bayed embrassa son père comme si de rien n'était et se dirigea vers la
cour de la maison. Mais son père n'était pas du même avis, il le suivi et
s'exclama de la sorte :
Tayeb : que s'est-il passé avec les soixante doro (centimes?) ?
Bayed : je ne vois pas de quoi tu parles, papa !
Tayeb : que s'est-il passé avec les soixante doro (centimes) ? Je ne me
répéterai pas dix fois...
Bayed : mais w'Allah papa, je ne sais pas de quoi tu parles !
Tayeb : ok, on va voir ça tout de suite, suis-moi on va chez le boulanger
!
Tayeb traîna son fils jusqu'à chez le boulanger, et le boulanger reconnu
directement le gamin.
Le boulanger : - Ah oui ! C'est bien lui le petit qui est venu me réclamer
l'argent ! Oui, ce petit, ce crâne rasé, je le reconnaîtrai entre mille
mon frère !
Tayeb s'énerva et rua de coups son fils tout le long du trajet jusqu'à le
faire tomber par terre plusieurs fois. Un voisin, appelé Mimoune l'Bouta
interpella Tayeb qui y allait de main forte et s'exclama : « o mais
pourquoi frappes-tu ainsi cet enfant? Je t'en prie, laisse-le !». Tayeb
n'avait pas l'air d'avoir apprécié l'intervention de cet homme et lui
répliqua d'un ton calme et à la fois ferme : « c'est mon fils ou le tien ?
Es-tu son père ? Bien sûr que non ! Laisse-moi donc l'élever comme moi je
le veux et comme il me convient !De quoi te préoccupes-tu?! »
Sur ces mots, la discussion s'achèva, et chacun reprit son chemin. Bayed
s'est ramassé une sacrée raclée. Son crâne rasé était recouvert
d'hématomes et de sang. Heureusement pour lui, Dieu plaça sur son chemin,
une merveilleuse dame, Yamina, connue sous le pseudonyme de la femme de Al
Houwari. Cette brave femme, est la maman de Mimoune Braze (l'un des
meilleurs amis de Bayed), et a deux grands enfants qui travaillent tous
deux dans le domaine médical : Benyounes et Fatema sont infirmiers. Yamina
avait donc chez elle le nécessaire pour soigner Bayed (désinfectant,
pansements,...). Elle s'occupa de Bayed, avec douceur et tendresse comme
une mère l'aurait fait. Elle lui proposa même plusieurs morceaux de
poissons à manger. Bayed se régala. Le comportement bienveillant de cette
gente dame réconforta le petit Bayed et le toucha au plus au point. Cette
femme-là, Bayed ne l'oubliera jamais.
Une dizaine d'années après « l'histoire du boulanger », Bayed émigra en
Belgique et trouva un emploi dans l'ardoisière de Warmifontaine. Au bout
de trois ans, il sympathisa assez avec le Directeur de l'ardoisière pour
pouvoir lui demander s'il pouvait « recruter » des gens qu'il connaissait.
Le Directeur accepta sa proposition : Bayed pouvait proposer un contrat à
une personne de son choix. La première personne qui lui est venue à
l'esprit est Mimoune Braze, ce garçon dont la mère n'a pas hésité un seul
instant à prendre soin de lui lorsqu'il en a eu besoin. Cette affection
que Yamina a donné a Bayed l'a marqué au point qu'il se sentait redevable
de ce geste là. Ainsi, en proposant un contrat de travail à son fils,
Mimoune Braze, qui vivait à ce moment-là toujours au Village à Oujda,
c'était une manière pour Bayed de remercier Yamina – qu'Allah lui fasse
Miséricorde- ! Bayed aida donc Mimoune Braze à commencer une nouvelle vie
ailleurs, avec un apport financier suffisant qui pourra l'aider à subvenir
à ses besoins ainsi que ceux des membres de sa famille restée au pays.
En parlant de travail, Bayed a eu une deuxième occasion d'embaucher une
personne de son choix. Trois ans après son émigration, Bayed a fait un
retour rapide au pays pour passer ses vacances. En 1973, il a rencontré
son cousin Abdelkarim Chebib à la rue 103 de Village Koulouche, chez
Monsieur Ahmed Laz3ar. Abdelkarim était encore jeune (pas plus de 19ans)
et peignait les murs de la maison en contrepartie d'un salaire méprisable.
Son salaire était pitoyable et l'allure de Abdelkarim ne plut pas beaucoup
à Bayed, qui prit vite la résolution de le sortir de là au plus vite.
C'est ainsi, que dès son retour en Belgique, Bayed s'empressa d'aller chez
Monsieur Ferezia, Directeur de l'ardoisière et Bourgmestre de la commune
de Warmifontaine, pour lui parler du cas de son cousin. C'est ainsi, qu'un
deuxième contrat a été envoyé au Maroc, par le biais de Bayed.
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